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Première

Volker Schlöndorff

Ma plus forte impression lors de la Berlinale a été, sans aucun doute, KINSHASA SYMPHONY. J’ai quitté la salle tout frissonnant d’émotion et de joie et j’ai longtemps garder cette impression tout en marchant seul dans la ville – tel un adolescent après avoir vu certains films exceptionnels. J’ai tout de suite pensé à Schlingensief et réalisé que je pouvais enfin le comprendre. Pour nous, la culture est tellement morte, tel un produit de consommation partout disponible et accessible, en numérique ou en direct, que l’on oublie à quel point un simple instrument de musique peut être essentiel, et tellement difficile à avoir.

Une coiffeuse s’escrime à faire face à ses clients dans une boutique située sur une route poussiéreuse, loin de sa case - et la nuit, elle va aux répétitions de l’orchestre. Elle y tient à tout prix, même si elle s'endort sur les notes. Des jeunes hommes et des mamans imposantes apprennent phonétiquement à mettre en relief d’incroyables virelangues issus de nos chansons AINSI qu’à bien les chanter. On ne sait pas s'il faut rire ou pleurer et on finit par faire les deux choses tour à tour. Un enjoliveur fournit le son souhaité pour la batterie, un tronc d'arbre, le bon bois pour un violoncelle reproduit à partir d’un instrument original et décalqué à la façon d’un patron Burda pour la robe idéale. Dans les magasins autour, les commerçants baissent le volume de leurs enceintes pour atténuer la peine et les larmes désespérées du chef d’orchestre. Quand le spectacle commence, un frisson parcourt toute la salle. La fierté vient habiter tout ceux qui d’ordinaire ne connaissent que les humiliations. Ils sont saisis par quelque chose qui les traversent et les transforment. Une chose écrite chez nous avec une plume sur une feuille de papier il y a deux cents ans, fait vraiment l’effet d’une étincelle divine - et soudain nous sommes fiers parce que notre culture a produit quelque chose qui est maintenant loin, dans la poussière et la misère et qui brille littéralement AU COEUR DE l’OBSCURITÉ.

Et voyez comme notre public a tout de suite compris: les billets pour les deux séances se sont vendus en un clin d’oeil et beaucoup, beaucoup de personnes sont reparties bredouille. Tous ont pressenti: je ne vais pas rater pas ça.

Volker Schlöndorff